Il fut une fois, ...
l'ancien hôtel-Dieu de Banon.
Six maisons distinctes
riches de l'histoire de Banon aux 17ᵉ et 18ᵉ siècles
avec un four banal, un hôpital public, un atelier d'artisan,
une maison seigneuriale, ....
Regroupées en deux maisons en 1830 :
"La maison des sœurs et l'hôtel-Dieu"
puis, après leur restauration en 1975
Devenues l'Ancien hôtel-Dieu
acteur de son histoire récente
et d'une belle aventure humaine
Que reste-t-il aujourd'hui de tout cela ?
Deux maisons voisines
qui vécurent les grandes heures des années passées,
en oublièrent l'esprit de convivialité
jusqu'à suivre désormais des routes séparées
Et
Une aventure humaine interrompue
après la folle épopée de la restauration des maisons
et des stages, de 1975 à 1990,
et les 35 ans de copropriété (à convivialité changeante), jusqu'à plus rien, aujourd'hui !
Le 15 août dernier, nous étions 108 dans les murs de l'hôtel-Dieu et de la Maison des sœurs, dans le jardin et sur la placette, pour fêter les 50 ans de l'ancien hôtel-Dieu.
Il y avait, dans l'entrée basse de l'hôtel-Dieu, des affiches "vintage" sur les spectacles et les fêtes d'antan, dans l'ancien bar, des photos des stages et des travaux, dans la petite maison de Swan, un début de mise en situation de son futur atelier, dans le salon de Caroline, un diaporama avec une centaine de photos sur ces périodes un peu folles, et dans le cabinet de curiosités, des photos et autres flyers sur les stages et quelques spectacles. Sans oublier la maison de Grégoire, sur la placette.
Petit bol de nostalgie pour certains, dont nos doyens du jour, Gérard et Brigitte Gauchot, stagiaires des années 70 et octogénaires avancés aujourd'hui, et de découverte d'une partie de l'histoire de l'hôtel-Dieu pour d'autres.
L'HISTOIRE DE L'HÔTEL-DIEU
ET DE LA MAISON DES SŒURS
Hôpital public aux 17e et 18e siècles
Hôtel-Dieu entre 1830 et 1930
Ancien hôtel-Dieu de 1975 à 2022
HôteL-Dieu et Maison des soeurs aujourd'hui
Avant 1830
Dès le 16ᵉ siècle, et sans doute même avant, la communauté avait une maison de charité, ou plutôt une mauvaise "crotte", appelée pompeusement hôpital. En 1703, la petite maison servant d'hôpital va être agrandie par l'achat d'une maison voisine. Pendant le Moyen-âge, les soins médicaux étaient donnés aux patients par des médecins et des chirurgiens barbiers qui avaient le pouvoir de pratiquer des saignées, panser les plaies, réduire les fractures, inciser les abcès, extraire les dents, .... Par un édit de 1691, les chirurgiens sont officiellement séparés des barbiers perruquiers. La première rencontre historique avec un chirurgien à Banon date de 1556 !
Aux 17ᵉ et 18ᵉ siècles, il y avait, en lieu et place de l'actuel ancien hôtel-Dieu, deux blocs de trois maisons chacun, contigus à l'église, au presbytère et au château des Comtes de Tournon / Simiane. Lequel château a été brûlé à la révolution et il n'en reste que des ruines recouvertes de terre, ce qui forme un tertre que l'on nomme pompeusement : "le château". L'hôpital était installé dans l'une de trois maisons du bloc sud, contiguë au four banal.
Les médecins ne feront leur apparition à Banon qu'au cours du 19ᵉ siècle, avec le docteur Serre
(in "Banon à la rencontre du passé", d'André Lombard – autoédition)
1830 / 1930
C'est en 1830, après le déplacement du cimetière situé alors entre les deux bâtisses appelées aujourd'hui ancien hôtel-Dieu, que Monsieur Terrasson, alors curé de Banon (puis de Forcalquier en 1842), achète les deux blocs de trois maisons chacun, situés de part et d'autre du cimetière. Il les regroupa pour créer côté Sud une maison pour les religieuses, appelée "Maison des sœurs", ou couvent, et côté Nord un Hôtel-Dieu, baptisé "Hôtel-Dieu de l'immaculée conception".
Le premier fut transformé en maison d’habitation pour les sœurs à qui devait être confiée la gestion de l'hôpital qui devint un hôtel-Dieu du fait que sa gestion était assurée par la communauté des sœurs de Saint-Charles. Il n'a été officiellement inauguré qu'en 1885, suite à de longues négociations avec les pouvoirs publics pour le faire agréer. Il fut toutefois mis en service à partir de 1850.
Les toitures ont été surélevées et mises à niveau, une belle cage d'escalier a été construite dans le bloc nord, au détriment des petits escaliers anciens et de quelques beaux encadre-ments de pierre qui ont été, soit noyés dans les nouveaux enduits, soit masqués. Une des maisons du bloc nord a été détruite et remplacée par une tour encastrée dans le coin sud est, ce qui confère au bâtiment un petit air de château. Deux grandes salles ont été aménagées pour l'hôpital, au deuxième étage, et d'autres plus petites au premier et au rez-de-chaussée. L’hôtel-Dieu a fonctionné pendant près d’un siècle.
En 1930, l'hôtel-Dieu fut fermé et remplacé par une bâtisse construite en bas du village suite à une donation de Dieudonné Collomp qui permit d'en financer la construction. C'était un généreux mécène qui avait fait fortune en Tunisie. Le nouvel hôpital de Banon porta dès lors le nom de "Dieudonné Collomp".
Le jardin a été aménagé en lieu et place du cimetière contigu à l'église. Un imposant mur de soutènement a été construit en pierres, reliant les deux bâtisses, qui permit de créer le jardin d'agrément pour les religieuses et/ou (?) les malades. Le jardin fut doté d’une véranda qui présenta l'avantage de permettre aux religieuses de se rendre de leur maison à l’hôtel-Dieu proprement dit, sans s’exposer aux pluies et autres désagréments.
La construction de cette véranda nécessita de détruire en partie le bel encadrement de pierre de la porte d’entrée de l'hôtel-Dieu, du 16ᵉ siècle, et masquait partiellement une des fenêtres de l'étage.
Petite histoire…, Une vieille banonaise nous raconta en 1976 avoir vu quelques dizaines d'années plus tôt, à travers les barreaux d'une fenêtre du rez-de-chaussée, les docteurs soigner une bergère qui avait été poignardée dans un champ. C'était la salle de chirurgie, nous expliqua-t-elle. Une autre vieille dame, venue visiter la maison pendant les travaux un dimanche après midi, se demanda, durant un long moment, où était la morgue, autrefois, et puis, au hasard d’un palier de l'escalier, elle s’exclama : Oh peuchère, la morgue c'était là ! L'information était historique, certes, mais peu réjouissante, au regard du fait que le local en question allait être transformé en laboratoire de photographie pour les stages à venir. Les années suivantes, quand nous demandions aux stagiaires, dans la pénombre du laboratoire, "Savez-vous ce que c'était ici autrefois" et qu'on leur répondait "C'était la morgue", certains en palissaient d'inquiétude et d'autres redoutaient les mauvaises ondes ou vibrations qui hantaient la pièce !
1930 / 1975
Libérées de leur fonction d'hôpital, les trois bâtisses furent récupérées par la mairie, sans doute au titre de la séparation des biens de l’Église et de l’état, l’histoire nous le dira. Il nous faut fouiller pas mal d’archives pour réécrire la longue histoire de ces maisons ! Elles furent utilisées pendant la guerre pour héberger des réfugiés espagnols qui brulèrent portes et volets pour se chauffer, sans que personne, semble-t-il, à la mairie, ne s’en inquiète. On parle aussi de pèlerins sur la route de Compostelle, mais sans précision sur l’époque de leur passage.
Les deux maisons principales furent ensuite vendues à un maçon rebouteux de Revest des brousses, le Petit Pierre, qui y fit quelques travaux d’aménagement. C’est à cette époque qu’un marseillais acheta la troisième, en se limitant à cette seule petite maison située en contrebas des deux grandes qui lui paraissaient impossibles à restaurer. Peu soucieux des règles en vigueur ou profitant de l’absence de suivi de la part des services compétents, il construisit une aile à sa maison qui en dépareilla l’équilibre architectural et masqua la vue d’une partie du premier étage de l’hôtel-Dieu !
Les deux bâtisses principales furent alors acquises par une ancienne bonne sœur, Mlle Grandvaux, qui y développa des activités d’accueil de jeunes filles en mal de vacances éducatives. Elle créa, pour ce faire, l'association internationale de sociologie appli-quée (AISA). Ce dans les années 60, 70. Elle engagea pas mal de travaux, mais finit par abandonner les deux maisons qui furent dès lors livrées aux pluies qui en mirent à mal certains locaux, notamment dans la Maison des sœurs où la réfection d'une partie de la toiture fut abandonnée avant sa fermeture, ce qui provoqua l'effondrement des dalles situées en dessous. Les maisons furent alors visitées par des pilleurs de meubles et autres matériels de l’association.
De nombreux acheteurs se bousculèrent à son chevet pour l'acquérir, mais elle n'était pas vendable, car cédée par sa propriétaire retournée dans sa Bretagne natale à l'AISA qui ne fonctionnait plus. Un promoteur marseillais récemment installé à Banon et un architecte aixois qui souhaitaient en faire un musée d'art naïf et un architecte qui avait vécu sous les fenêtres de l'hôtel-Dieu, s'y cassèrent les dents. La maison dû son salut à la clairvoyance du frère de la propriétaire qui prit les choses en mains, permit à celle-ci de la récupérer et la mit en vente.
Elle attendait les bons acheteurs à qui elle se destinait !!!!! C'est pile-poil à ce moment-là que pointèrent leurs nez Eric, Gilles et Sergine.
Jean Giono dans Regain, décrit l'arrivée de la patache du courrier de Banon conduite par un certain Michel en ces termes : " Enfin on abordera le plateau, l'étendue toute rabotée par la grande varlope de ce vent, on trottera un petit quart d'heure et, dans une molle cuvette où la terre s'est affaissée sous le poids d'un couvent et de cinquante maisons, on trouvera Banon".
1975 / 1990
L'hôtel-Dieu et la Maison des sœurs furent achetés par trois amis et non moins cousins, Eric Silvestre, Gilles et Sergine Scalabre en juillet 1975. Ils se lancèrent dans une restauration sans fin, tant la maison était grande : deux maisons de quatre niveaux, quarante pièces, une toiture à refaire, l'autre à moitié écroulée.
Les travaux entrepris à partir de 1975 et la fusion des deux blocs de maison sous le nom d'ancien hôtel-Dieu donnèrent lieu à des successions de périodes de grande activité, avec les stages, les fêtes de village, les marionnettes géantes, sans compter les phases successives de travaux, pour habiter au rez-de-jardin de l'hôtel-Dieu en 1975, pour accueillir les stages en 1976, avec salle de danse, labo photo et quatre chambres pour 10 stagiaires, puis au fil des années, pour refaire le vitrage de la grande pièce du haut et refaire la dalle, restaurer l'escalier, créer de nouvelles chambres, restaurer la maison des sœurs, et puis, ....
En 1990, après l'arrêt des stages, suite à la disparition de l'une des actrices majeures de l'organisation des stages (Christine Lebrun) et à la vente des parts de Gilles et Sergine, les copropriétaires signèrent la fin de la partie : 15 années d'une aventure qui ne renie pas son passé et ses motivations soixante-huitardes, racontée dans le portail intitulé "La folle épopée des années 70, 80".
De 1990 à aujourd'hui
En 1990, l'ancien hôtel-Dieu fut transformé en copropriété et certaines parties furent vendues à Dominique Gros et Guillaume Lecasble. Certaines furent revendues par la suite à Antoine Piault, Raphaël Balmès, Sylvie Blum et Eric Silvestre, puis Wanda Hoesch. Une partie de la Maison des sœurs étant quant à elle vendue à Caroline Arrighi de Casanova.
Chaque nouveau copropriétaire a entrepris des travaux dans sa partie et un grand vent de modernisation a soufflé sur les maisons. Le jardin, quant à lui, est resté en collectif et a connu des heures de partage, de paix et de bonheur, pendant les 30 années qui suivirent, avec de nombreuses fêtes organisées par les unes et les autres. Il est malheureusement, depuis quelques années, source de conflits récurrents portés par le vent de l'aile nord.
La partie nord appelée aujourd'hui Hôtel-Dieu, est située au 41 rue de l'hôtel-Dieu. La porte d'entrée a été déplacée et est désormais située au coin nord ouest, sous un petit auvent. La porte d'entrée initiale, située au rez-de-chaussée, est réservée aux occupants dudit rez-de-chaussée. Le linteau en pierre de la porte d'entrée côté jardin (photo), date du 16ᵉ siècle. Le jardin, situé entre les deux maisons et fermé par les murs de soutènement côtés ouest et est (photo) n'existait pas autrefois. C'était le cimetière, contigu à l'église. Il a été créé en 1830.
La partie sud, appelée Maison des sœurs, au 21 rue de l'hôtel-Dieu, dispose d'une entrée par en haut, sur la placette contiguë à l'ancienne église, à hauteur du 25 rue du Four banal. Elle disposait autrefois d'un four qui était mis à la disposition des villageois moyennant certaines règles concernant la fourniture du bois et son utilisation. Il est encore là, mais écroulé sur lui-même, et il nécessiterait une sérieuse restauration pour retrouver son aspect d'origine. Dans la partie haute qui donne sur la place de l'ancienne église, la salle jadis occupée par l'hôpital a été utilisée à partir de 1975 comme atelier de menuiserie, salle à manger, salle de jeu, et aujourd'hui salon de curiosités (visitable sur rendez-vous). La présence de muriers sur la placette témoigne d'une activité de magnanerie au siècle passé.
Pour la petite histoire : nous avons trouvé des dalles de pierres en aménageant une des pièces du rez-de-chaussée en 2011, après 35 ans d'utilisation de cette pièce comme atelier, sans savoir qu'il y avait un beau dallage de pierres sous les vieux carreaux ! Ces maisons disposaient de caves très anciennes, sans doute du 16ᵉ siècle, peut-être même ligures, dont une avec une croisée d'ogives, utilisée aujourd'hui comme cave à légumes et à vin. L'une d'elles a été aménagée en citerne, lors de la transformation des trois maisons en 1830. Elle existe toujours, mais n'est plus utilisée comme telle.